En sortant de la salle de spectacle

Assis sur un banc devant la salle de spectacle, Tonio Esfandiar regardait l'affiche collé sur l'entrée, faiblement éclairée par la lumière de la rue.
"Clows, acrobates, magiciens, tremplin ce soir à partir de 20h. Venez montrer vos talents, et peut-être serez vous repéré par un des nombreux professionnels présents dans la salle".

Il avait échoué. "Une fois de plus", songea-t-il. Face à la salle remplie, il n'avait rien pu faire, aucun tour.
Il s'était ridiculisé devant tout un par terre de gens du métier. Jamais il avait pensé autant mérité le surnom de Presque Digitateur que ses formateurs lui avaient donné.

Il était plus de minuit à la montre qu'il avait sorti de son gousset. Il se leva donc, et pris la direction de son studio.
Alors qu'il traversait la place, il aperçut au loin une silhouette seule, debout, qui semblait attendre quelqu'un ou quelque chose. Il s'avança prudemment, mais n'osa pas l'aborder. Il s'appuya contre le mur qui faisait face à cette silhouette, dont la pénombre l'empechait de voir s'il s'agissait d'un homme ou d'une femme, et attendit.

Hj: Si ça ne te dérange pas...

J'ai toujours aimé aller au cirque. Au début c'était pour les clowns. Après, pour ceux qui faisaient du trapèze et autre funambules... Et jusqu'à il n'y a pas très longtemps, pour les prestidigitateurs. Maintenant, c'est pour le spectacle en lui-même, du début à la fin.

Et rien de mieux pour un beau spectacle que de se rendre à ceux destinés au recrutement, où les artistes tentent de surpasser pour impressionner le plus possible ceux qu'ils espèrent être leur futur employeurs, si ?

"Mais dis-donc Charles, tu causes aristo, là, ou j'me trompe ?" "L'a pas tort Axel..." Euh, oui, désolé, me laissait emporter par mon côté gentleman romantique, là... "Et vas-y qu'il en rajoute..."
Oh, ça va hein ! Non mais...

Excellent... on a beau dire, mais ce numéro est vraiment impressionnant... Me demande quel est le truc...

Hé, gamin, qu'est-ce que tu fous là toi ?

Le seul problème, c'est que ce genre de spectacles est réservé aux artistes et aux recruteurs... pfff... Bon, allez, on lui sort la carte d'identité au nom de Bouglione.

Mon père ne pouvait pas se déplacer, il m'a envoyé à sa place. Un problème, monsieur... ?
Non, non, aucun. Désolé monsieur Bouglione.

Et voilà qu'il part en bougonnant. Trop de monde... Depuis quelques temps, je deviens agoraphobe, comme qui dirais. "Hé, l'aristocrate là, on se calme !" "Mais tais-toi Axel..."
Probablement parce que je suis trop pris par mon "métier". J'étouffe. Dessers le nœud de ma cravate. Suffit pas. Bon, tant pis, on sort.

Il fait bon dehors. De l'air. Un peu de fraîcheur. La lune. La petite brise qui traverse la place... Et le silence de minuit. Euh non, pas le silence en fait. Les bruits des bars aux environs. Pas de silence non. Les nuages qui jouent à cache-cache avec la lune... C'est tellement beau. Avec quelques étoiles autour. Et en plus, une parfaite tranquillité. Pouvoir fixer le ciel sans que personne ne vienne demander qu'est-ce qu'on fait.

Ah, si, des bruits de pas. Je baisse la tête pour regarder, reprenant ma désormais si habituelle expression d'ennui et d'indifférence. Le plus inquiétant, c'est qu'au début, ça n'était qu'un masque, mais là... Ça devient de plus en plus vrai.

Tant pis. Ça, c'était à prpos de ma tranquilité. L'autre, sais pas qui, s'est appuyé au mur en face de moi. Hmpfff. Ainsi soit-il.

"Mais tu vas t'arrêter, oui !" T'inquiète pas Axel. Je parle pas comme je pense... "Et t'oublies que Charles adore énerver les gens..." "Faut dire Henry, qu'avec Axel il a de quoi se faire plaisir..." "C'est sûr."

hj: avec plaisir (je passe à la 1ere personne c'est plus aproprié en fait)

Comme il ne semble pas esquisser le moindre geste vers moi, je m'avance finalement. Les quelques rayons de lune qui transpercent les nuages l'éclairent par intermittence. Je le distingue de mieux en mieux. Il est grand. Il. C'est un homme. Un jeune homme plutôt. A peu près mon age, peut-être moins. Il ne semble pas perdu, il n'a pas l'air non plus d'avoir peur que je m'approche. Il a plutôt l'air de s'ennuyer, ou d'attendre quelque chose. Je me décide à lui parler. Je prend un ton amical, et le tutoie, puisqu'il semble être de ma génération.

Bonsoir, qu'est-ce que tu fais là tout seul?

L'autre s'avance... Je crois savoir qui c'est... Celui qui est passé tout à l'heure, et n'a pas su quoi faire. Le stress peut-être, qui sait ? En tous cas, personne ne lui proposera quoi que ce soit. Et puis ? Rien. Pas mes affaires. Pas mon problème après tout.
Et décidément, je peux dire adieu à ma tranquillité...

Je prend l'air... et toi ?

Tiens, j'ai une petite idée derrière la tête... "Charles, je pense pas que..." Allez... Rien à y perdre, si ? "Non, mais..." Ben alors ?

Il avait dit ça d'un ton dégagé, légèrement désinteressé. Je ne savais pas trop de quoi on allait pouvoir parler. Mais l'idée de rentrer si tôt dans mon petit studio, seul, et de rester allongé des heures en repensant à mon échec ne me réjouissait guère plus.

Rien de spécial, je sors de la salle, je pensais que t'étais peut-être perdu... Ou que t'attendait quelque chose...

Peut-être un peu trop direct... Mais il était trop jeune pour sortir de la salle, qui n'était réservé qu'aux professionnels, et je ne l'avais pas vu en coulisses...

J'étouffais dans la salle... Trop de monde. Tous ces espèces d'hommes d'affaire prétentieux... Bref. André Bouglione. Euh non. Jean Font. et toi ?

Si j'attendais quelque chose ? Non, au contraire... Mais à vrai dire, pas beaucoup de choses à faire maintenant... Plus beaucoup de numéros intéressants vont passer. Aucune raison d'y retourner. Par contre, j'ai besoin de prendre un café. Justement, y'a un ou deux bars ouverts autour de la place... Pas de nouvelle édition de mes journaux avant six heures du matin. Bon, autant discuter alors.

Ca te dirait qu'on prenne une table dans un de ces bars ?

J'en profiterais pour prendre mon café. J'ai des affaires qui m'attendent tout à l'heure... Mais j'ai deux heures à rien faire avant.

Dans la salle? Il a l'air jeune. Comment pourrait-il déjà être un professionnel? A moins qu'il travaille pour quelqu'un. Ce n'est pas rare de voir des jeunes agents engagés par des anciens... Bref on ne sait jamais...

Tonio. Tonio Esfandiar.

En plus il se trompe en donnant son nom... Bizarre ce gars... Mais il n'a pas l'air dangereux... De toutes façon maintenant il m'intrigue trop pour que puisse faire marche arrière.

Je te suis. Tu veux aller où?

De toute façon je ne dormirai pas. Autant en profiter pour discuter avec lui. On sait jamais, un contact... Peut-être aura-t-il quelque chose à me proposer...

On a l'embarras du choix...

Je me concentre. Aucun match d'un quelconque sport collectif prévu aujourd'hui... Non. Donc les bars vont être assez calmes. Pas de supporter hystérique prêt à hurler sans raison ? Non plus.
"T'as quelque chose contre les supporters ?" Non, non Axel. Juste que bon. Là, j'ai envie d'être au calme...

Je lui montre l'ensemble des endroits ouverts autour de la place. Trop de choix tue le choix... On ferme les yeux. Pifomètre comme qui dirait...

"Le Gai Luron Fêtard".... Bon, d'accord.

Hj: Tu continues dans restaurants ? Parce que c'est plus vraiment dans la rue ^^'