Coup de téléphone

Sur l'autoroute, en pleine campagne. Trois centkilomètres à l'heure au volant d'une F430 Spider, toit ouvert, gris métallisé un peu foncé...
Personne sur la route, on revient d'un week-end à la campagne... La Ferrari ? Eh bien le week-end à la campagne, c'est un peu à cause d'elle en fait. Oui, je sais, la contrebande, c'est mal... m'enfin... Les clients me paient comme ils veulent, hein, vais pas me plaindre.

*Te dirais de sortir ce soir ?* Pourquoi pas, une idée ? *Rin ?* Va pour Rin. On a son numéro ? *Pense pas...* *T'aurais dû lui demander la dernière fois... * *C'était y'a trois jours... Ce qui est fait est fait* Bon, ok, y'a internet sur le téléphone ? *Ouais* Elle habite où ? *Tu sais bien...* Oui, c'est vrai. Voilà le numéro du secrétariat de l'orphelinat.

Le vent qui fouette le visage. A plus l'air du large... Dommage, j'aimais bien. On fera sans. Reste les cheveux dans le vent *Serait mieux avec les lunettes de soleil...* Y'a pas de soleil, crétin, que des nuages... *Espèce de fashion kikoolol, Axel va* *Je... c'est...* *Tellement vrai qu'il ne sait même pas quoi répondre...* *Réfléchissez-y... C'est une très grave accusation, là. Passible de peine de mort pour le suspect*
Alors, on appelle là-bas. Note son numéro, toi, au lieu de délirer... *Ok* On dit merci à la dame, et on appelle la psychopathe sur son portable. Ça sonne, ça sonne... et elle finit par décrocher. Si c'est pas beau

- Rin ? Ouais, c'est Alex'. Ça va ? Te dirais qu'on se voit, disons... dans la semaine ?

J'entend rien avec tout le vent... Un comble *Ferme le toit. Prend vingt secondes...* Bonne idée. Vooilà. Mieux comme ça.

Etendue sur mon lit à m'ennuyer à mourir. Quoique... Je pense que se serais surtout ma conscience finira par mourir.

*Je peux pas mourir* Mais siiii!* Mais non* Mais si que jte dis! T'as bien failli une fois* Ouais mais c'est parce que t'as voulu te... * Bah oui, suffit que je recommence et que fasse gaffe à pas me rater, cette fois, et hop! p'us de conscience!* Je t'interdit de faire ça!* Ouais, comme la première fois...* Nan! Interdiction de refaire un c*nnerie pareil!* T'inquiètes. J'en ai pas encore l'intention* Ouf!*

Soupir des plus ennuyé.
Guitare? Nan.
Karaté? Uuuuh... Nan, vaut mieux pas.
Dessin? Ouais! On prend le sac avec le matériel de dessin et on sort.
Au rez-de-chaussée, la secrétaire de l'orphelinat me hèle et me dit qu'un "charmant jeune homme" lui a demandé mon numéro et qu'il devrai m'appeler dans pas longtemps.
Ok, merci. Mais c'est qui le "charmant jeune homme"? Parce que Alex est bien un jeune homme, mais de là à dire qu'il est "charmant"... Bah, on verra bien tout à l'heure.
Et le tout à l'heure est plus rapide que ce que je pensais parce que me voila dans un couloir en train de chercher mon portable dans mon sac. Dois tout sortir pour le trouver puisqu'il est parti se planquer au fond. Il avait absolument aucune raison de faire ça en plus!
C'est donc avec des papiers/crayons/gommes et autres dans une main et par terre que je répons.

-Oui? Ah... euh, oui... Ca dépend de quel jour.

Parce que avec mes entrainements, c'est pas toujours évident pour trouver un moment de libre.

- Ok, je passe te chercher dans une heure.

Raccroche et éteint le téléphone, appuie encore un peu sur le champignon. Trois-cent dix kilomètres heures. Quoi ? Peux pas aller plus vite ? Rooo...

Pas grave, j'aime bien la campagne irlandaise... Allez, un peu d'AC/DC, vu que ça va bien avec le reste. Paarfait. *Hé, ferme pas les yeux ! Attention !* Aaahh ! *On l'a échappé belle...* Tu l'as dit
On range le téléphone, conduisant d'une main et en rouvrant le toit, la tête à l'arrière pour essayer de trouver le baladeur et la saleté de veste. Pas qu'il fasse froid, mais chemise-jean dans une voiture ouverte à cette vitesse, c'est... frais. Voilà. Mieux comme ça.

Commence à voir les lumières de Dublin... Dans trois quart d'heure on y sera *Et les bouchons ?* Les bouchons ? *Ben oui... retours de week-end...* Quoi ? Mince... Fait... *Relax champion, demain c'est férié, font le pont* Il m'a fait marché... *Ouais* Il m'a fait marché... *Ça va ?* Tu vas voir si ça va !

*Bon, c'est pas tout ça... je suis fashion-kikoolol ou pas ? Quitte à mourir, autant le savoir, hein* *À la limite, vu que t'y tiens tant, on peut s'arranger...* *Nan ! Naaan ! Naaaaaaan !* *Y'a personne qui va t'entendre, Axel...* *Argh...* Si, moi, et ça me fait mal aux oreilles, alors du calme les tourtereaux *...* *Hmpf...* *Et vlan !*

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Une heure plus tard, alors qu'Axel est vraiment dans un sale état, Francesco dans les vapes, Leonhard en proie aux remords nous faisant une crise existentielle... je me gare en face de l'orphelinat, coupe le moteur avant de traverser la rue et entrer dans le hall.

Ah ben oui, le "charmant jeune homme" c'était bien lui.

*Tu voulais que ce soit qui?* Sais pas moi* Tu connais que lui pour le moment, comme gars.* Je sais* Bon ben voila* Conscience?* Oui, je sais, arrête* Bien! Tu comprends vite mais faut d'expliquer longtemps* ... Moi aussi, je t'aime* Te fais pas trop d'illusions, quand même* Si tu le dis...*

Une heure? Ok... Plus qu'à abandonner mon idée de dessiner. On range le téléphone dans la poche du jean cette fois.
Je ramasse mes crayons et les fourre sans ménagement dans mon sac et rassemble les feuilles éparpilées sans faire très attention à ce que j'ai dans les mains. M'occupera, de les trier, en attendant.
Demi-tour, on repasse devant la secrétaire qui esquisse un sourire en me voyant faire le chemin en sens inverse. A se demander ce qu'elle peut imaginer...

*Tu veux vraiment que je te le dise?* Uuuuh... Nan, crois que j'ai ma petite idée là-dessus* Tant pis alors...* Parle pour toi*

Retour dans la chambre. On balance tout sur le lit, on ouvre le placard et on regarde dans le mirroir.

*Satisfaite?* Sais pas* Mais siiiii!* Mouais....*

Je referme le placard et pars m'occuper de mes pauvres dessins maltraités...

*Ta faute* Merci, j'étais au courant!*

On les tris sommairement, les classe, et les range correctement dans... euh... disons un tirroir du bureau.
Prends un autre sac et descens les étages jusqu'au hall. S'il est à l'heure, il devrait plus tarder. Gagné, il est là. Je m'avance jusqu'à lui, un demi-sourire aux lèvres.

-Alors, on peut plus se passer de moi?

- Tu t'accordes trop d'importance, tu sais...

On l'embrasse sur la joue en souriant légèrement *Histoire de faire un super contraste ?* Nan, juste parce que j'en avais envie... Va rarement plus loin que ça avec moi, tu sais *Avais finis par comprendre, mais bien le droit d'espérer, nan ?* Va te faire voir... *Okay, okay, c'est bon, c'est bon...* Non, pas vraiment, mais on fera avec.

- Allez, tu viens ?

La veste négligemment jetée par-dessus l'épaule, retenue par le col avec deux doigts et on sort de l'orphelinat.
Il est quoi ? Quatre, cinq heures ? Je m'arrête deux secondes sur le trottoir juste pour apprécier le temps. Franchement, fait bon... *Rêveur, va* Oui, je sais... *A self-destructive tendancies dreamer...* *One of a kind* Merci...

-Trop d'importance? Je peux partir tu sais. Te rappelles que je vis pas loin.

Soit trois étage plus haut. L'une des rares à avoir ma chambre à cet étage. Les autres ont la flemme de monter au troisième parce que ya pas d'ascenceur. Moi ça me gène pas et je suis tranquille.
Je le suis hors de l'orphelinat. Bien contente, d'ailleurs! J'aime pas les gosses. Sont pénibles. Toujours en train de courir, brailler et/ou pleurer, au choix. Voir les trois en même temps.

*Dire que t'as été comme ça...* Ouais... Ben je m'en excuse auprès de mes parents...* Tu peux plus* Je sais. Pas la peine de retourner le couteau dans la plaie non plus* S'cuse* Ca va, pas grave...*

-Dis, tu comptes aller où? Histoire que je sache où on va quand même...

- D'accord, je l'avoue, ne peux plus me passer de toi, ça te va ?

Ton rieur, le tout en traversant la route sans regarder, une pirouette en plein milieu de la rue pour lui lancer un bref clin d'œil en souriant comme conclusion. *T'as fumé quoi ?* *Moi ? Rien* *Parlais à Charles... ... pourquoi tu t'es senti visé comme ça Alex' ? Tu nous caches quelque chose, hein ? Ne me dis pas que tu les as gardé pour toi tout seul...* *Qui ? Moi ? Des carottes ? Tu me prends pour qui ?* Et c'est quoi qui dépasse de la poche, là ? *Je... Je peux tout vous expliquer !* Of course. Comme toujours.
*Bien joué, Charles. Changer comme ça le sujet de la discussion, c'était très habile. Mais si tu crois que je vais tomber dans le panneau, tu te trompes !* Au cas où quelqu'un avait besoin de preuves comme quoi ça rendait parano... *Je sais que tu !* Mais faites-le taire... *Avec plaisir* *Hé, peace mec ! Peace ! Hé, mon pote !* Ça, c'est fait.

- Un café pas très loin d'ici... dix minutes à tout casser

Oublié de préciser que dix minutes c'était... en voiture... et avec ma façon de conduire. Mais c'est qu'un détail ça.
On appuie sur le bouton de la clé. Le toit s'ouvre tout seul alors que la voiture émet un petit bip et que les feux clignotent l'espace d'une seconde. Sais pas si elle va aimer la Ferrari, mais c'est les autres de l'orphelinat qui vont être jalouses... *Et l'emmerder pendant toute la semaine* Bah... *Ouais, je sais*
*Au fait, c'est où le café ?* Le Starbucks qui vient d'ouvrir, face à la mer. *Avec la tempête qui se prépare, la vue pourrait être sympa* *Le Starb... mais c'est à cinquante bornes, ça !* Ouais, dix minutes...

Lui ouvre la portière en passant et monte de mon côté.

- C'est mieux pour ta cheville. Comment ça va au fait ?

*Tu crois qu'il traverse toujours comme ça?* Sais pas* Il va finir par se tuer* Ouais...* Tant pis pour lui, me sentirais pas coupable s'il se faisait écraser par une voiture* Normal, pas toi qui conduirais la voiture. M'enfin, tu l'aime bien, non?* Pourquoi je serais venue, sinon?* Pas bête* Eh ouais...*

Je traverse la rue plus prudemment que lui, pas encore envie de passer l'arme à gauche. Et je le vois déverrouiller la Ferrari garée en face de l'orphelinat. Moi, à la limite, m'en fous un peu... Mais d'après ce que j'ai vu en jetant un coup d'oeil derrière moi, les autres enfants de l'orphelinat s'y interessent déjà plus. Je sens qu'on va me harceler pendant pas mal de temps.

*Tu te fais déjà enmmerder par ceux qui t'ont déjà vu faire du karaté, alors un peu plus, un peu moins...* Bah bizarrement, préfèrerais un peu moins.* Bah là, se sera plus* Merci, j'étais au courant*

Je monte dans la voiture en retenant un léger soupir de désespoir. La prochaine fois, je lui demanderais d'aller quelque part sans voiture, tiens. M'évitera d'avoir des gosses collés aux basques.

-Ma cheville? Ouais, tant que j'enlève pas l'attelle, ça peut aller.

*Il est fou* Moi ? Nooon... Faut juste aller plus vite que les nuages *Bien ce que je disais...* Hé, pas envie d'être trempé *Qu'à fermer le toit ET RALENTIR !* Bah, tu sais, on n'est jamais qu'à... *Qu'à... Oui, qu'au double de la vitesse maximale autorisée...* C'est pas tant que ça, tu sais... *...* Ok, compris, vais essayer d'appuyer un peu plus sur le champi' *Non !* Bon, eh bien tais-toi alors.

- Alors, quoi de neuf sinon ?

*Tu te souviens la dernière fois qu'on est partis en vacances avec les parents ?* C'était... y'a quoi... Dix ans ? *Ouais, en été* Cordillère ? ? *Oui* J'avais adoré *Carrément* *Pas le dos de 'pa* Ah oui, c'est vrai... J'avais oublié ça *Un détail* Bah. C'était sympa. Machu Pichu ! *Et les nuits sous la tente* *La fois où on se l'était faite piquée pendant notre sommeil et qu'il avait fallu dormir dans une grotte* Vraiment génial... En plus, quand le soleil s'était levé, juste face à la mer, nous on était là, dans la grotte, tous les trois, à l'entrée, le soleil dans le dos... *Ouais, c'est la qu'on a vu la main* *Arrête, j'en fait encore des cauchemars !* Ouais, la momie. Le bond que j'ai fait ! *Et le cri de m'man* *'Pa qui s'est comprenait rien à ce qu'on racontait* Ouais... M'enfin... c'est fini ça...

Se met à pleuvoir pendant que je suis perdu dans mes souvenirs, m'en aperçois même pas. La regarde une seconde en souriant légèrement et me tourne à nouveau vers la route.
*Dis, il pleut* Hein ? Quoi ? *Pluie. Fermer toit.* Ah oui, bien sûr.
Appuie sur le bouton. Vingt secondes plus tard, le toit est fermé.
*Dis, t'as aussi allumé son siège chauffant* Qui ? Moi ? Naaan *Elle va avoir chaud qu'elle va pas comprendre pourquoi... Hmpf...* Risque d'être amusant à voir, ça... Hmpf... *Eh, retenez-vous, hein, faudrait pas qu'elle se doute de quelque chose... Hmpf...*

On allume la radio pour penser à autre chose et faire distraction.
Du Johnny Hallyday... Le dernier album... Mouais, pourquoi pas. Encore des vieux souvenirs ça... Bon, on va arrêter, hein, sinon, elle va finir par croire qu'on n'en a rien faire d'elle. *Hmpf...* Surtout que c'est pas le cas *I know*

*Le siège chauffant... Hmpf...*

*Rin?* Crois qu'il veut te tuer* J'espère pas* Vu comment il conduit...* Dans ce cas là, il mourrai aussi* Pas faux* Bon, si on arrêtais de parler de sujets comme ça, parce que là...* Si tu veux* Oui, je veux* Bah alors on arrête*

-Borf... Absolument rien... Dis, tu l'as eu où cette voiture? Pas que ça coûte cher... Coûte plus que cher ce genre de voiture.

*Dis, ya quoi dans les garages les villas de Londres, Tokyo et Okinawa?* Uuuuh... Crois que ya surtout des Rolls* J'ai cru appercevoir quelques Porsches aussi* Fort possible* Et deux Ferrari, nan?* Fort possible aussi* Bah alors?* Bah alors rien. Te rappelles que c'étaient celles de papa.* Maintenant, ce sont les tiennes* Quand je serais majeure et que je saurais conduire, ouais* Dans pas si longtemps* Quelques années. Pis me vois mal conduire une voiture pareil pour aller en ville ou en cours...* Pas lui, apparemment* Faut croire* Me demande comment il l'a eu* Pour ça que je lui ai demandé, abrutie* Abrutie toi même, je fais partie de toi,je te rappelles!* Malheuresement...*

Argh! Nan! Pas la pluiiiie! Va se décider à fermer le toit, oui ou non?

*Bah oui, voila, c'est fait* La rammène pas, toi!* Grrmmmm*

Sursaut. Pourquoi ça chauffe?

*C'est un siège chauffant ma chérie* Oui merci je sais, mais ça surprend sur le coup* T'es juste sur les nerfs, ouais* Même pas!* Alors pourquoi t'es aussi tendue à cause d'un siège chauffant?* Pas l'habitude*

Je tourne la tête pour regarder la route défiler très -hrrmmm trop- vite jusqu'au café où il compte aller.

-Il est où ce café, au fait?

- Un ami de mes parents qui voulait changer de voiture... Mon parrain en fait.

*Ton "parrain"* Oui, mon "parrain" *Son "parrain"* Notre "parrain" *V...* *Hmpf... Allez arrêter tous les deux ? Gamins, j'vous jure* Rooo... Si on n'a même plus le droit délirer deux secondes... *Pas ici, pas maintenant. J'y tiens à ma peau, moi* Bah... On est presque arrivés de toute façon... *Tu parles, on vient à peine de sortir de Dublin* Ouais, encore deux minutes, à tout casser.

- Un petit village à côté de Dublin, juste en face de la mer... Dix minutes, quoi... Qu'est-ce que tu fais en Irlande ?

On la regarde une fraction de seconde avant de commencer à rire. Pas une explosion de rire, hein. Pas non plus un espèce de rire sadique ou un ricanement de sorcière. Pas la mouche qui pète ou la baleine, non, juste... *Bon, ça va là, on a compris tu sais... Hmpf...*
En même temps, difficile de s'en empêcher quand on la regarde là, maintenant.

*Pas intérêt à s'imaginer un coucher de soleil magnifique sur la mer avec un fond bleu orangé... Serait déçue* De toute façon, va y'avoir une tempête *Et on sera bien au chaud dans le café à regarder ça par la fenêtre, c'est ça ?* Bah... La dernière fois qu'on a eu une tempête, c'était sur le voilier... Je sais pas pour toi, mais j'aimerais juste être un peu au calme cette fois *Ouais...* *Paraît qu'il y aurait des risques de neige* Raconte pas n'importe quoi...

-Dix minutes? T'es sûr d'arriver à destination?

Pas que mais commence un peu à flipper. J'ose même pas regarder à quelle vitesse il va. Et la destination la plus probable, c'est l'hosto le plus proche.

*Veux que je regarde pour toi?* Nan!* Pourquoi?* Veux pas savoir!* Comme tu veux... En tout cas, ça a pas l'air de le géner.* M'en fous. Veux juste arriver entière* Mais oui, tu vas arriver entière* Pas si sûre que toi* Roooh, Rin...* Nan! Dis plus rien! Je veux rien savoir!*

Dois être devenue un peu pâle vu les éclats de rires de ma conscience. Lui aussi il si met? Dois être vrai, alors.

-Pourquoi tu ris comme ça?

Me retourne vers lui, venant de comprendre qu'il m'avait posé une question.

*Longue à la détente ma chérie* Rooh, j'essayais de pas penser à l'état dans lequel j'avais le plus de chance d'arriver* Tu pensais à de la bouillie de Rin?* Ouais* Beurk* Je trouve aussi*

-Rien de spécial. Ils en ont eu marre de me voir à Londres alors ils m'ont envoyée ici, tout simplement.

*Marre de te voir? Dis plutôt qu'ils en avaient marre que tu dérouille les trois quarts de l'orphelinat, ouais* Hrrrmmmm... L'est pas sensé le savoir ça* Pas beau de mentir* Je mens pas! J'édulcore juste un peu la vérité.* Mouais...*

- Mais oui... T'as vu, on y est. Franchement...

Bon, on ralentit. *Ouais, vaudrait mieux éviter de renverser mémé McReary qui rentre de sa confession quotidienne* Voilà, tout compris *Suis sûr que tu arriverais à l'éviter sans faire de blessé* Pas envie d'essayer, tu vois... On dirait pas comme ça, Axel, mais c'est pas un de tes jeux là, ici, maintenant... *Pas drôle* Si, aussi... juste différent. Genre... une seule vie *Oui, faut en profiter quoi* Et essayer de ne pas la perdre bêtement...

Hop. C'est là. On se range sur le trottoir, au niveau de la porte du café. Tombe des cordes maintenant, même de l'orage. Et moi j'adore ça. Franchement... *Y'a aussi pas mal de vent* Tu m'étonnes. L'embrasse à nouveau sur la joue en souriant et sors.

- Rien. Absolument rien. Disons que je suis juste content...

Fait frais ici, dites-moi... *Y pleut* On a compris, Alex', il pleut...

- Le dernier à l'intérieur est une poule mouillée !

M'élance en courant, pas trop vite non plus *Il pleut ! Fais gaffe !* Blam ! *T'avais prévenu* Alex' ! *Si tu lui avais pas crié de faire attention, il serait pas tombé* *Ironie du sort* Hmpf...
Me relève en riant. Rin est sûrement déjà dedans. Hmpf... Fais mal par contre. *Tu l'as cherché* *Tiens, commence à y avoir de l'orage...* Ah non ! J'aimerais bien rester en seul morceau, hein... *Hmpf...*

Je sors de la voiture, soulagée d'être arriver entière.

- Le dernier à l'intérieur est une poule mouillée !

Il part et... se rammasse par terre.

*Encore plus doué que toi* Nan, pas possible ça* Faut croire que si, t'es toujours debout, toi* Parce que je regarde où je mets les pieds* Tu comptes l'aider?* Nan* Pourquoi?* L'a pas besoin de moi pour se lever. Pis il avait qu'à pas me faire flipper* Hehe... T'aurais du prendre tes crayons, va y avoir une tempête* Tant pis... Le ferai en rentrant* Si tu rentres un jour* N'en rajoutes pas, par pitié!* Bon, d'accord, jme tais* Ah, enfin de la tranquilité!*

On passe devant lui alors qu'il est toujours par terre. Bon, on va l'attendre quand même... A y est? Debout? Youhou, l'est toujours vivant.

-Regarde où tu mets les pieds, la prochaine fois.

Avec un sourire ironique en prime.

*Roooh... Allez, bouge avant d'être trempée* Chef, oui, chef!* J'ai l'impression d'être un dictateur quand tu dis ça...* Fait pour*

J'écoute ma conscience et entre dans le Starbuck sans être trop mouillée. Un miracle.

*Mouais...* Si, je prends l'eau d'habitude* On dirai une pièce mal isolée* Meuh nan, disons que j'attire l'eau* Tu veux dire comme la fois où tu t'es retrouvée dans l'espèce d'étang dans la campagne anglaise?* C'est une façon de voir les choses...*

- Banzaaaaïïïïïïïïïïïï !!!!!!!!

Me jette sur elle, la prenant dans mes bras en riant.

- Tu croyais y avoir échappé ?

*À quoi ?* Être mouillée *Hmpf...* Bon, on se calme. Pas qu'elle qui a fait un bond *Pauvres clients* *Y'en a pas tant que ça non plus, hein...* *Qu'est-ce que tu veux... Y'a que nous pour venir ici par ce temps* Ça, tu l'as dit *Tu crois qu'elle est sensible aux chatouilles ?* On va éviter d'essayer, hein. Aimerais pas finir avec une clavicule en compote.

La lâche, souriant légèrement et m'approche du comptoir, comme si ne rien n'était. Les quelques personnes reprennent leurs discussions, tranquillement - m'impressionneront toujours ces Irlandais - pendant que je commande un café à la serveuse qui, elle, a l'air de ne pas s'être vraiment tout à fait remise et ne sait pas comment réagir.

- Vous en faites pas. Je suis parfaitement sain d'esprit, n'avez qu'à lui demander, elle vous le confirmera. Et serré le café, sans lait. Tu prends quoi, Rin ?

*Fais gaffe* A quoi?* Il prépare un truc* Meuh nan* Puisque je te le dis...*

-Kyyyaaaaa!!!

*Te l'avais dis* Rooh, hein!!* Ca va, je sais, je sais* Bien... Maintenant, je suis trempée... Youhou*

-Honnêtement... Oui.

Je m'approche du comptoir à mon tour, en prenant soin de mettre une distance de sécurité entre nous.

*Histoire que tu lui balance un coup de pied avant qu'il attaque?* Attaque?* Ouais, vu sa tête, il a du se demander si tu craignais les chatouilles* Uuuh... Je les crains pas... C'est pire que ça* Moi je le sais, lui nan.*

On va s'éloigner encore un peu, histoire d'avoir le temps de réagir, et on garde un oeil sur lui.

*Il aura pas à se sentir fliqué* Mais nan, simple précaution* Fais gaffe, il parle!* Roooh! Arrête de rire, toi!* Oui, oui, oui ahahahahargh* Ah, ça fait du bien*

-Sain d'esprit, je sais pas. En tout cas il est toujours comme ça. Café au lait pour moi, s'il vous plait.

*Roooh, t'es polie aujourd'hui, c'est un miracle!* Meuh naaaan, ça m'arrive souvent* Hallelujaaaaah* Roooh!* Avoue que ça t'arrives pas souvent* Mais si!* Hrrrrmmm...* Bon, d'accord, pas beaucoup mais y a des limites à tout* Ouais, mais toi, les limites, t'aime surtout les dépasser...* Pas faux...* Plutôt vrai même...* C'est moi ou tu veux vraiment avoir le dernier mot?* C'est pas toi* Ok, je te le laisse alors* Merci!* ...* Rin?* ...* Riiiin?* Je viens de te dire que je te laissais le dernier mot!* Ah oui, c'est vrai...*

- Moi aussi je t'aime bien, ma chérie

Un petit clin d'œil rieur et je prend le café que la serveuse vient de finir de préparer, lui donne une de mes cartes qu'elle passe rapidement dans la machine, payant pour les deux. Elle veut me la rendre mais je suis déjà parti m'asseoir, à côté de la fenêtre remuant machinalement le café avec la cuillère en regardant la mer et la tempête, le regard perdu dans le vide.

*Qu'est-ce qu'il y a ?* Je... Rien *Ne raconte pas n'importe quoi* Je... Tu te souviens de cette nuit... *Il y a trois ans ?* Oui *Ne pense pas à ça* J'y peux rien, c'est... plus fort que *On s'était mis d'accords là-dessus pourtant* Je sais... Avais presque réussi à oublier, mais là, avec ce temps... c'est revenu...

*Bon, allez, elle arrive. Pense à autre chose...* Oui, ok, pas de problème...

- Je t'ai laissé la place à côté du chauffage.

Souris légèrement quand je la vois s'asseoir, toute trempée et repense à ce qu'elle m'a dit tout à l'heure.

- Tu es si terrible que ça ? Je n'arrive pas à y croire...

*Ma chérie?* Oui?* Nan, il t'as appelée "ma chérie"?* Un de plus, un de moins...* Nan, ya que moi qui peux t'appeler comme ça* Si tu veux...*

Je prens la tasse que me tends la serveuse, récupère là carte de l'autre rigolo et vais m'assoir face à lui dans un grand "floch" de vêtements mouillés. Déprimant. Je fais glisse sa carte sur la table pour lui rendre.

-Tiens, c'est pas la mienne.

*Si terrible? Nan, c'est un doux euphémisme, ça* Yep* Tu comptes lui dire?* Yep* Pourquoi?* Ye... Euh, non, bah parce que il a le droit de savoir. Puis, il suffit de faire quelques recherches alors je lui fais gagner du temps* Crois pas qu'il s'interesse assez à toi pour faire des recherches* C'était juste un prétexte...* Ah... Euh, ouais bon, moi j'y vais, hein...* Cool, tu veux que je t'aide pour les valise?* Nan, ça va, vais juste faire un petit tour...*

-Terrible? Naaan, c'est pire que ça. Disons que ce que tu as vu au dojo arrivait très souvent.

*Tu l'as pas encore fait, ici* T'es revenue?* Ouais* Pourquoi? Croyais que t'étais partie!* Naaan, juste été faire un tour je t'ai dis* Rooh!! Tu veux pas partir pour de bon?* Sûre de vouloir perdre l'esprit? A prendre au sens propre du terme, bien sûr* Uuuh... Nan ça ira. Merci d'avoir proposé quand même*

-Mais je me suis un peu calmée, j'ai encore casser aucun os des gosses qui vivent là-bas. L'instant en tout cas.

Range machinalement la carte dans ma poche *Tiens, commence à neiger* *Plus trop de tonnerre... Reste que le vent* Eh bien, on verra tout à l'heure en sortant *L'impression que le soleil est en train de se coucher...* Pas tard pourtant *Nan, indeed, cinq heure, à tout casser* Hmpffff.... *Ouais, limite déprimant* *Pense à tous ceux qui partent bosser quand le soleil ne s'est pas encore levé et sortent du boulot quand il s'est déjà couché* Hé ouais, on a de la chance.

- Eh bien, une vraie sauvage, dis-moi. Mais... qu'est-ce que tu fais dans un orphelinat ? Je veux dire, tu dois bien avoir de la famille quelque part, non ?

*Indiscret, va* *Ma, sour qu'il manqué dé tact, m'enfin* *Allez, Francesco, éclaire-nous !* Dit-il d'un ton sublimé, transcendé *Eh bien, jé commencéré par...* *Dis... ils se moquent de toi* *Qué...* *Axel a tellement l'habitude qu'il a fini par comprendre...* *Camarrades opprimés, rejoignez-moi ! Ensemble nous bâtirrons un monde nouveau où...* *Mais oui Staline, allez, vas-y, rêve* *Ma, cé né qué dans l'ounioune qué* *Tais-toi, Francesco, et fais ce que je te dis ...* *Si, si...* *Dites, ils complotent un truc, le sens pas sur ce coup* *Et Charles qui continue à remuer son café comme si rien n'était* *... Et nous prenons donc notre indépendance !*
Hein ? Quoi ! *Ensemble, tous les deux, nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour prendre le contrôle de...*

Dites-moi que c'est un cauchemar ! *Tiens, l'a arrêté de remuer sa cuillère* *... ce corps ! Et nous n'hésiterons pas à utiliser la force si nécessaire !* *Mince, sont passés où les deux ?* *T'occupe, le russe nous a ramener de la vodka...* *Voooodka ! Et comme je tiens l'alcool que ces pourritures capitalistes, je profiterais de leur ivresse pour m'emparer du pouvoir au nom du peuple !* *On a tout entendu, Yuri...*

Et eux qui boivent tranquillement dans leurs fauteuilles... À croire qu'ils en ont rien à faire... *Mais t'inquiète, qu'est-ce que tu veux qu'une cervelle de pois chiche comme celle d'Axel représente comme danger ?* *Bien dit* *Ou l'autre abruti de russe qui est déjà complètement dans les vapes et nous raconte tous ses plans foireux ? Franchement...* *Dites, c'est moi ou il est parti pleurer de désespoir ?* Taisez-vous...

Qu'est-ce que je fais dans un orphelinat? Je sais pas... J'y vis parce que j'en ai envie, tiens!

*Roooh, arrête avec ta mauvaise humeur!* Nan, mais c'est quoi cette question?* Rin...* Si j'y suis c'est parce que j'ai pas la choix!* Je sais...* J'en ai marre de vivre là-bas...* Je sais aussi, mais on a pas le choix...* Malheuresement...*

-Bah apparemment, non, puisque les services sociaux n'ont rien trouvé. Et comme il y a très peu de familles d'accueil, ils préfèrent y mettre les nourrissons ou les enfants en bas-âge. Pareil pour les gens qui veulent adopter. Ils veulent tous des bébés, des gosses de deux, trois ans mais après c'est fini. Presque plus de chance de se faire adopter. Alors je te dis pas une ado sauvage et plus ou moins associale... Donc, je me retrouve à ma balader dans différents orphelinats au gré de leurs envies.

*Fais longtemps, hein?* Ouais...* Cinq ans maintenant* Ouais... T'imagines ceux qui les ont pas du tout connus?* A la limite, c'est presque mieux, ils peuvent pas être tristes de les avoirs perdus* Mouais...*

-Tu vis seul, ici? Et depuis combien de temps? Serais peut-être plus la seule à pas être là depuis longtemps. Me sentirais moins seule.

*Te sentirais moi seule si tu te fesais des amis* Je sais... Mais je fais flipper les gens d'habitude* Ah? Et Keita et Yachi, au Japon? Et Alice en Angleterre?* Y avait Ryan aussi, là-bas* Entre autres. Bah voilà, tu les fais pas tous flipper* Ouais, mais se sont des originaux aussi...* M'étonnes...*

- Eh bien, eh bien...

Je regarde la neige par la fenêtre. Un jour, faudrait que je pense à écrire un livre... Du début à la fin... J'en ais marre de devoir garder toutes ces idées et de ne jamais en finir un seul.
*Bien dit. La neige qui t'y a fait penser ?* Nan, m'a donné une idée, une de plus... Et j'en ai marre que ça n'aboutisse jamais, c'est tout.
*Bon courage* Ouais...

Commence à boire le café, histoire d'éviter qu'il refroidisse bêtement.

- Oui, fait un an, un peu plus... S'en est passé des choses d'ailleurs, en un an.

Neige vraiment beaucoup... le personnel commence à nettoyer, de plus en plus de clients qui partent... Comme l'impression que ça va fermer, dans une heure à tout casser *À cause de la neige sans doutes *Ou tout simplement parce que c'est en "province" * De toute façon, pourrais pas rouler là-dedans avec la Ferrarri *Qu'à aller au pub juste à côté, sera ouvert lui* Dans ce cas, vaut mieux éviter de s'éterniser ici, sinon sera plus praticable.

- Te presse pas, mais je pense qu'on va bientôt demander de sortir...

*J'aurais vraiment du prendre mes affaires de dessins... *Te l'avais dis* Oh, hein ça va!* Pis, arrête de fixer le vague comme va, va finir par croire que t'en as rien à cirer de lui* Pas forcément faux* Rin!* Ooh, si on peux même plus plaisanter...*

Je me détourne de la fenêtre et commence à boire ma tasse, me rendant compte qu'il y a vraiment plus grand monde. Et que les employés nous regardaient avec un air de reproche.

*Sont graves ici* Je confirme* Bon, tu le bois, ton machin?!* Café au lait* Roooh!!* Bon, d'accord, je bois, je bois*

-Un an? Moi je suis jamais restée au même endroit plus de huit mois...

*Ouais...* Me manquent...* Tu deviens sentimentale?* Non, se sont juste mes amis* T'as prévu de retourner au Japon?* Oui. En été. Mais c'est loin.* Et à Londres?* Déjà plus faisable. Mais je dois voir si je peux rester chez Alice ou Ryan quelques jours* Avoue que rester chez Ryan, ça te plairais bien!* Grrrrmmmm...*

Bref, passons sur mes pensées étranges. Je fini ma tasse, me lève toujours aussi mouillée qu'avant, et m'étire.

-On fait quoi?

Je la regarde pendant qu'elle finit son café. Huit mois ? C'est court... *D'un autre côté, pas vraiment comme si on avait passer toute une année ici* *À force d'aller à droite à gauche dès que ça nous chantait* Ou pas, d'ailleurs... Va vraiment falloir qu'on se prenne des vacances dans pas trop longtemps, ne pourrais pas tenir à ce rythme.

- Eh bien.. il y a deux possibilités. Soit on rentre à Dublin, soit on va attendre dans un pub à côté, toi qui vois.

M'enfonce dans la chaise pendant qu'elle se lève. Suis à peu près sec, moi... Enfin, la veste, pas le trench. *Trench-goat* *Mon dieu, l'allemand qui essaie de parler anglais...* *Mon accent, j'y peux rien* *Qué chèvre ?* *C'est toi, la chèvre* *Hein ?* *Laisse tomber* *C'est quoi c't'histoire de chèvre ?* *Laisse tomber, je te dis...* *Mais, je...* Tu ferais mieux de l'écouter, tu sais *Je comprends rien !* *Tu l'auras voulu...* *Hein, qu... aïe !*
Bon, je mets un petit rideau à fleurs vert-fuschia-poupre, histoire d'éviter de choquer avec l'excessive violence de cette scène barbare et... Aaaah !

*Charles n'est plus là... Axel, Francesco et Leonhard se battent... Yuri parle avec sa nouvelle copine en verre à moitié vide.. Eh bien c'est tout bénéf' ! À moi les commandes !*

- Alors ?

» Le coup du siècle
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» Un coup de maître peut prendre bien des formes...