Encore empâté par le voyage, l'hybride d'habitude si vif se laissa mollement tirer sur le bitume.
- Je vais te l'avouer, honnêtement, je n'ai aucune envie de mettre une feuille de camouflage. Je te propose de se camoufler, mais sous un déguisement.
Ça tombait bien, lui non plus. Il faut dire que ces feuilles de camouflages, qui vibraient juste contre votre peau, étaient extrêmement désagréable pour qui n'était pas habitué. Eina n'en avait bien sûr jamais fait l'expérience, mais c'était de notoriété commune.
Alors qu'il allait répondre, le lutin vif comme le vent sauta sur lui avec sa trousse à maquillage et le barbouilla complètement, avant de donner quelques coups de ciseaux dans ses vêtements. Manquant avoir un mouvement de recul, il se reprit et resta de marbre jusqu'à la fin de l'opération.
- Il faudra croire que tu es mon frère. Donc on va parler de l'école et tout. Tu sera hmm... Pierre. Et moi Martin.
Désagréable d'être autant scruté. Enfin, il allait falloir qu'il s'y fasse: dès que vous connaissez un peu quelqu'un, il vous scrute, que ce soit pour vérifier que vous n'ayez pas de tache de confiture ou pour déceler un signe de tristesse sur votre face mal réveillée.
Dans le genre mal réveillé, Eina était carrément de mauvais poil. Malaise, voyage dans les conduits, subit changement de pression, autant d'évènements qui ne l'aidaient pas.
Enfin.
- Dit Pierre, tu sais ce que Maman nous as fait ce soir ? Parce que j'ai faim moi ! Aujourd'hui j'ai eu un 18 en Maths !
D'un coup, et pour la première fois, Eina éclata de rire. Etait-ce à cause de la voix haut perché du lutin ou de ses paroles, de l'air frais, du fait qu'il fut à la surface ?.. Qu'importait. Habilement, il répondit:
- Ce que Maman nous a fait ce soir, c'est un sandwich, vu qu'on ne mange pas à la maison. On va voir le spectacle, le feu d'artifice, tu te souviens ? Ah, félicitations pour ton 18, le nombre de minutes qu'on va passer au max dans ce coin.
Là-dessus, il attrapa Veki par le coude et s'élança en avant.
Oui, il avait un but. Il voulait faire du repérage. Et quels repères avait-il en surface ? Ce fameux Artémis Fowl, déjà présent dans tous les bouquins d'histoire des Fées alors qu'il n'avait pas seize ans. Il ne serait pas difficile de trouver son repère, malgré le nombre des êtres de Boue.
Et dès qu'il aurait trouvé, il se planquerait quelques jours dans l'une des maisons de cette ville.
Lâchant le coude de Veki après quelques pas, il s'engouffra dans une cabine.
Appuya sur une touche.
Réflexion intense.
Veuillez taper votre numéro... Veuillez taper votre numéro... Veuillez taper votre numéro...
Enfin, il se souvint, et parvint à obtenir les renseignements.
Ok, le manoir Fowl se trouvait en Irlande.
Bon.
- Dis, Martin, d'ici deux jours, ça ne te gênerait pas qu'on aille faire un tour en Irlande ?
Soudain, il songea à quelque chose. Un détail incongru. Était-ce bien normal qu'un lutin adulte, même membre des FARs, trimballa toujours avec lui une trousse de maquillage ?